Thème 2 - La culture

Publié le par entraides.over-blog.com

INTRODUCTION

La culture est un terme qui a plusieurs sens. Lorsqu’on parle de la culture, cela peut désigner la culture d’un pays, d’une civilisation, ses traditions, ses mœurs, ses normes et valeurs. L’individu qui a cette culture est un individu civilisé. D’ailleurs tout être humain est civilisé car il a nécessairement reçu, au cours de sa socialisation, la culture du pays, du groupe dans lequel il vit, même si certaines cultures nous semblent parfois très éloignées de la nôtre.

Jusqu’à une période récente, néanmoins, ce sens anthropologique du mot culture était souvent confondu avec une autre forme de culture. L’homme civilisé était l’homme de culture, c'est-à-dire celui qui possédait des savoirs, des connaissances, des références culturelles, artistiques. On confondait l’homme civilisé et l’homme cultivé, c'est-à-dire celui qui possède une culture au sens savant du terme.

 

C’est à ce second sens du mot culture que nous allons nous attacher ici.

 

CULTURE DE MASSE ET CULTURE LEGITIME

La culture, au sens savant, c’est un ensemble de références scientifiques, artistiques, littéraires qui est reconnu comme étant de la culture. Le problème est de savoir à partir de quand une production artistique ou intellectuelle entre dans le domaine de la culture.

En réalité, cette entrée dans le monde culturel a lieu dès lors qu’un artiste, un intellectuel ou un écrivain est reconnu en tant que tel. Cette reconnaissance peut d’abord s’effectuer grâce au plus grand nombre, à un large public, souvent consommateur de films grand public, de chanteurs populaires, d’émissions très célèbres ou encore d’artistes très connus. C’est ce qu’on appelle généralement la culture de masse parce qu’elle touche une grande masse de la population.

 

Mais une autre reconnaissance peut avoir lieu, c’est celle des milieux spécialisés, des milieux avertis, ceux des grands spécialistes, des académies qui semblent avoir le prestige suffisant pour légitimer (c'est-à-dire reconnaître) un artiste ou un intellectuel. Quand, par exemple, des chercheurs font des travaux sur certains artistes – même peu connus –, quand ces artistes reçoivent des prix ou entrent dans des musées prestigieux qui sont très souvent fréquentés quasiment exclusivement par un public averti, ils sont alors reconnus comme faisant partie de la culture même s’ils ne sont pas connus de la majorité de la population. C’est ce qu’on appelle la culture légitime.

 

CULTURE DE MASSE, CULTURE POPULAIRE ; CULTURE LEGITIME, CULTURE BOURGEOISE

De nombreux sociologues – dont le plus célèbre en France est Pierre Bourdieu (1930-2002) – ont montré qu’il y avait une corrélation, un lien, entre le milieu social des gens et leur type de pratiques culturelles.

 

Très souvent les catégories populaires, c'est-à-dire celles qui ne sont pas privilégiées socialement, sont des consommateurs de culture de masse. Pourquoi ?

D’abord parce que la culture légitime est chère : aller au théâtre, à l’opéra, ce n’est pas donné à tout le monde.

Ensuite parce que la culture légitime est difficile d’accès et affaire de spécialistes : la peinture abstraite par exemple est souvent méconnue et si on n’a pas un minimum de formation, « on y comprend rien ».

Enfin, et à l’opposé, la culture de masse est bien plus facile d’accès : l’industrie culturelle vise avant tout la rentabilité économique (c'est-à-dire vendre beaucoup) aux dépens de la qualité, de l’originalité, de la créativité. Elle tente donc de séduire un large public avec des moyens de diffusion de masse : la radio, la télévision, la publicité dans les magazines grand public ; la culture de masse est donc plus facile d’accès, se conforme davantage aux modes et aux tendances.

 

Du coup, les milieux populaires se cantonnent souvent dans des pratiques culturelles qui leur sont réservées : de Patrick Sébastien à Johnny Halliday, d’André Rieux aux écrivains grand public. Il semble donc que la culture de masse soit une culture populaire.

 

A l’opposé, les milieux bourgeois, c'est-à-dire favorisés socialement, ont tendance à faire de la culture légitime leur chasse gardée.

D’abord parce qu’elle leur permet de se distinguer socialement, de montrer leur supériorité sociale. En montrant qu’ils sont les seuls à comprendre et pouvoir décoder une culture légitime difficile, incompréhensible pour ceux qui ne sont pas cultivés, ils montrent ainsi qu’ils sont « au dessus de la masse ».

Ensuite parce qu’elle leur permet d’en tirer un bénéfice social, notamment pour leurs enfants. En leur transmettant cette culture rare, ils leur donnent des outils de réussite scolaire : la connaissance des grands classiques par exemple, mais aussi des connaissances rares qui peuvent être valorisées lors d’examens, de concours ou même de recrutements professionnels.

 

Du coup, Pierre Bourdieu va montrer que dans les sociétés modernes, les inégalités sont plus culturelles qu’économiques. Certaines personnes peuvent connaître une certaine promotion sociale grâce à l’augmentation de leurs revenus mais sont culturellement défavorisées de telle sorte que leurs enfants n’auront pas le langage, les codes, les références culturelles qui leur permettraient vraiment de réussir scolairement et socialement.

 

 

ET L’ECOLE DANS TOUT ÇA ?

Bon nombre d’enseignants et d’éducateurs, conscients de ces inégalités culturelles, considèrent leur métier comme un tremplin social. En transmettant au moins en partie la culture légitime, ils espèrent la rendre accessible à ceux et celles qui n’en bénéficient pas dans leur milieu social. Néanmoins, ceux qui réussissent le mieux à l’école, ce sont ceux qui bénéficient de cette culture légitime dans leur famille. Par conséquent, les moins cultivés vont souvent dans des filières où l’on transmet le moins cette culture légitime (filières professionnelles, technologiques) alors que les plus cultivés vont le plus souvent dans les filières générales, avec des options culturelles – latin, langues, culture et société, histoire des arts, etc. L’école apporte donc davantage à ceux qui sont souvent plus favorisés et moins à ceux qui sont désavantagés. Malgré elle, l’école accroît les inégalités culturelles.

 

UNE REMISE EN CAUSE DES TRAVAUX DE BOURDIEU : BERNARD LAHIRE ET L’HOMME PLURIEL

Bernard Lahire est un sociologue contemporain, élève de Pierre Bourdieu. En s’appuyant sur des enquêtes sur les pratiques culturelles, il montre que l’individu est « pluriel ».

 

Les personnes des milieux favorisés, même si, publiquement, elles affichent souvent des pratiques culturelles légitimes, dans leur sphère privée, peuvent aussi être consommatrices de culture de masse. En rentrant chez lui, épuisé par ses élèves, votre prof de SES écoute peut-être du Johnny Halliday ou regarde peut-être Desesperate Housewifes même s’il ne s’en vante pas devant ses collègues et ses élèves !

 

A l’opposé, un ouvrier qui travaille en usine, même s’il parle de foot ou de tiercé avec ses collègues, peut très bien dans un domaine spécialisé, être autodidacte et posséder une vraie connaissance culturelle légitime.

 

Du coup, le modèle proposé par Pierre Bourdieu semble aujourd’hui dépassé puisque beaucoup d’individus ne consomment pas qu’un seul type de culture.

 

Néanmoins, il faudrait relativiser le modèle proposé par Bernard Lahire car si les milieux favorisés peuvent, pour leur loisir, consommer de la culture de masse, ils restent très conscients de l’importance de la culture légitime. A l’opposé, même si dans les milieux populaires, certaines personnes peuvent être cultivées dans un domaine particulier, elles gardent souvent des carences culturelles, certains codes leur manquent. Ainsi, les statistiques montrent encore aujourd’hui que la fréquentation du théâtre, des musées, des spectacles et la connaissance des grands classiques mais aussi des productions les plus en pointe restent l’apanage, le privilège des classes sociales favorisées.

 

 

CONCLUSION : ET LES ELEVES DANS TOUT ÇA ?

La culture légitime reste un élément central de la formation intellectuelle des individus. Elle constitue un atout tout aussi important que des bonnes notes en maths ou la maîtrise des langues étrangères dans la réussite sociale. L’individu cultivé n’est pas l’individu civilisé, comme on le croyait au XVIIIe siècle, mais c’est un individu éclairé capable de porter un regard  autre sur son temps, sur son époque. Cet autre regard, enrichi grâce à la connaissance et au savoir, n’est pas qu’un atout social ; c’est aussi un moyen de jouer pleinement son rôle de citoyen et d’acteur dans la société. C’est donc aussi un outil d’intégration sociale et de formation d’un individu capable de réfléchir, de porter un regard propre, spécifique sur les choses et le monde. C’est donc aussi un outil de liberté.

Publié dans Seconde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article